28 juin 2021

DÉCISION RÉCENTE DE LA COUR D’APPEL DU QUÉBEC CONCERNANT LE DROIT À L’ÉGALITÉ

Aluminerie de Bécancour inc c. Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse et Syndicat des Métallos, local 9700, 16 juin 2021, Cour d’appel du Québec

Le 16 juin dernier, la Cour d’appel du Québec a rendu une décision fortement attendue en matière de droits et libertés de la personne confirmant la décision du Tribunal des droits de la personne qui accueillait le recours intenté par la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse aux noms des étudiants travaillant à l’Aluminerie de Bécancour.

Dans une décision rendue le 11 mai 2018, le Tribunal donnait ainsi raison à la Commission et au Syndicat quant à l’existence d’une discrimination basée sur une condition sociale, soit celle d’étudiant, en vertu des articles 10 et 19 de la Charte des droits et libertés de la personne (« Charte »). Pour l’essentiel, la Cour d’appel confirme le jugement du Tribunal.

La Cour d’appel conclut que le statut d’étudiant fait partie de la notion de condition sociale contenue à l’article 10 de la Charte et que les étudiants qui ont travaillé chez l’Employeur ont été victimes de discrimination interdite pour cause de violation du droit consacré à l’article 19 alinéa 1 de la Charte.

Plus particulièrement, la Cour d’appel confirme que la preuve de préjugés ou de stéréotypes envers le groupe discriminé n’est pas un critère supplémentaire au test élaboré par la Cour suprême du Canada pour l’analyse de la discrimination selon l’article 10 de la Charte.

Elle rejette également les prétentions de l’Employeur voulant qu’être étudiant soit l’expression d’un choix personnel qui ferait échec à la reconnaissance d’une discrimination et qu’un étudiant travaillant chez l’Employeur jouisse d’un statut enviable par rapport aux autres étudiants du Québec. À cet égard, la Cour d’appel précise que :

« [72]      L’idée que l’on puisse « discriminer » les étudiants qui travaillent chez l’appelante parce que le salaire versé est intéressant par rapport au salaire minimum n’est pas sans rappeler d’autres idées passéistes. On peut penser à la proposition, maintenant révolue, que l’on peut payer un salaire inférieur aux femmes parce qu’elles n’en ont pas besoin, apportant un revenu d’appoint à la famille. On peut aussi penser à l’idée, qui n’a plus cours non plus, que l’on peut payer un salaire inférieur aux immigrants parce qu’il est plus avantageux que celui qu’ils recevaient dans leur pays d’origine. »

Finalement, cette cour rejette la prétention de l’Employeur voulant que l’expression « durée de service » énoncée à la Charte réfère au caractère déterminé de la durée du contrat de travail retenant ainsi que cette expression est liée au concept de rattachement temporel du travailleur à l’entreprise plutôt qu’à la nature de son contrat d’emploi.

Cette décision de la Cour d'appel vient donc confirmer que le statut d’étudiants peut être visé par la notion de condition sociale prévue à l’article 10 de la Charte. Toutefois, la Cour d’appel mentionne clairement que la décision n’aura pas pour effet de faire disparaître les emplois étudiants au Québec. Une distinction salariale pourra continuer d’être justifiée selon les considérations prévues à l’article 19 de la Charte, soit notamment l’équivalence du travail, l’expérience, l’ancienneté, la durée de service et l’évaluation au mérite.

Pour lire la décision complète: Aluminerie de Bécancour inc c. Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse et Syndicat des Métallos, local 9700, 16 juin 2021, Cour d’appel du Québec

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