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17 mars 2020

L'état des relations de travail au Québec au temps de la COVID-19

Le 13 mars 2020, le gouvernement du Québec a déclaré l’urgence sanitaire sur l’ensemble du territoire québécois.

1. Les effets des mesures de distanciation sociale sur les relations du travail au Québec

1.1 Les conséquences de l’isolement volontaire et obligatoire sur la prestation de travail et la rémunération

Le gouvernement demande à tous les individus revenant de voyage à l’étranger de se placer en isolement volontaire pendant 14 jours. Cet isolement est obligatoire pour les employées et employés de la fonction publique. Le gouvernement provincial a annoncé que tous les employées et employés visés par cette mesure d’isolement obligatoire seraient rémunérés pendant toute la période d’isolement.Par contre, la situation est incertaine quant aux salariées et salariés, revenant de l’étranger depuis le 12 mars 2020, travaillant pour des entreprises privées. En effet, la rémunération pour une salariée ou un salarié s’isolant volontairement n’est pas certaine.

Pour les travailleuses et travailleurs syndiqués, le point de départ est la convention collective. Plusieurs conventions collectives prévoient des dispositions particulières en cas de mise en quarantaine (isolement obligatoire) qui pourraient s’appliquer dans le présent contexte. Elles peuvent également contenir des clauses de force majeure qui pourraient permettre à l’employeur de se libérer de certaines obligations, dont entre autres, celle de permettre l’exécution de la prestation de travail. Toutes dispositions concernant les congés, l’assurance-salaire et les mises à pied devront être analysés. Malgré la situation de crise, la convention collective devrait être respectée par les parties.

1.2 Impact des distinctions entre les isolements volontaires et obligatoires

Si la convention collective ne prévoit pas la conduite des parties dans cette situation, il faut distinguer les cas où l’employé(e) décide de s’isoler volontairement, les cas où c’est l’interdiction du gouvernement qui entraîne le refus de la prestation de travail par l’employeur et les cas où l’employeur refuse la prestation de travail de la travailleuse ou du travailleur sans y être obligé par le gouvernement. Lorsque l’isolement est volontaire, l’employeur pourrait valablement choisir de ne plus verser de salaire, puisque la travailleuse ou le travailleur est dans l’impossibilité d’effectuer sa prestation de travail. L’employeur devrait toutefois lui permettre de s’absenter pour respecter la période d’isolement volontaire, sans préjudice, à moins que cet isolement ne puisse être raisonnablement justifié. Dans ce cas de figure, la travailleuse ou le travailleur devra alors recourir aux congés prévus dans sa convention collective ou à défaut, à ceux prévus par la Loi sur les normes du travail, RLRQ, c.N-1.1 (ci-après la « LNT »). Elle ou il pourrait aussi recourir aux congés pour obligations familiales si elle ou il doit être présent pour sa famille.

De plus, une travailleuse ou un travailleur décidant aujourd’hui de planifier un voyage à l’étranger, dans le contexte actuel, pourrait difficilement obtenir, par voie de grief, un remboursement de sa période d’isolement volontaire. En effet, la travailleuse ou le travailleur a aussi sa part de responsabilités à prendre pour limiter les situations où elle ou il ne sera pas en mesure d’offrir sa prestation de travail.

La situation pourrait être différente dans les milieux de travail où le télétravail est possible. Dans ce cas, la salariée ou le salarié en isolement pourrait continuer de fournir une prestation de travail pendant la période d’isolement et donc recevoir une rémunération. Toutefois, il nous semble que l’employeur n’a pas l’obligation d’accommoder les travailleuses et travailleurs en isolement en permettant le télétravail dans tous les cas.

Lorsqu’une travailleuse ou un travailleur se voit forcé par des mesures gouvernementales de s’isoler, cela pourrait avoir pour effet d’entraîner une situation de force majeure qui affecterait le contrat de travail et les obligations qui y sont prévues. Par contre, lorsque l’employeur va au-delà des instructions du gouvernement en étant plus restrictif, par exemple en imposant à ses travailleuses et travailleurs des isolements non obligatoires selon le gouvernement, l’exception pour force majeure pourrait ne pas s’appliquer. Alors, cet employeur pourrait être obligé de remplir sa part du contrat de travail, même s’il refuse la prestation de travail. Son droit de direction lui permettrait de refuser la prestation de travail mais cela ne serait pas sans conséquences.

1.3  Les travailleuses et travailleurs présentant des symptômes de la COVID-19 (Coronavirus)

En premier lieu, il importe que tous les travailleuses et les travailleurs présentant des symptômes du virus s’isolent à leur domicile. Le gouvernement fédéral conseille également aux employeurs de ne pas exiger de certificat médical pour les salariés souffrant de symptômes de la COVID-19.

Par ailleurs, il nous semble que les dispositions applicables aux congés maladies devraient gouverner l’absence de la travailleuse ou du travailleur, comme ce serait le cas pour d’autres incapacités de travailler pour cause de maladie. L’employeur pourrait être fondé à exiger un certificat médical pour le retour au travail qui confirmerait l’absence de risques pour les autres travailleurs.Il convient de garder à l’esprit que les travailleuses et travailleurs salarié(e)s pourraient avoir droit, en présence d’une interruption de rémunération de la part de leur employeur, au paiement de prestations d’assurance-emploi, s’il n’y a pas d’autres protections qui s’offrent à ceux-ci.

1.4 Les conséquences sur la santé et la sécurité des travailleuses et travailleurs

Les travailleuses et les travailleurs, tout comme les employeurs, ont des droits et obligations en matière de santé et de sécurité au travail. Ainsi, tous sont interpelés par ce qui se déroule actuellement avec la COVID-19.

Les droits et obligations en général

Les obligations les plus pertinentes pour les travailleuses et les travailleurs sont prévues à l’article 49 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail, RLRQ, c. S-2.1 (ci-après « LSST »).  Pour les employeurs, les obligations les plus pertinentes sont prévues à l’article 51 LSST.  Ainsi, les employeurs devraient s’assurer de mettre en place des mesures d’hygiène suffisantes sur les lieux de travail pour s’assurer de la sécurité des personnes s’y trouvant. De plus, les employeurs devraient s’assurer de limiter la possibilité de contagion dans les milieux de travail, notamment en agissant auprès des travailleuses et des travailleurs qui sont visés par les recommandations du gouvernement et en tenant informés ses travailleuses et travailleurs de l’évolution de la situation au sein de l’entreprise. Cela pourrait aller jusqu’à fournir des équipements de protection individuelle si les circonstances l’exigent

Les recours qui s’offrent en matière de santé et de sécurité au travail

Étant donné la propagation rapide de la COVID-19, il n’est pas impossible qu’une travailleuse ou un travailleur craigne pour sa santé et sa sécurité au travail en raison de risques particuliers associés à la propagation de ce virus. La LSST prévoit notamment la possibilité pour une travailleuse ou un travailleur de refuser d’effectuer un travail lorsqu’elle ou lorsqu’il a un motif raisonnable de croire que son travail l’expose à un danger pour sa santé, sa sécurité ou son intégrité physique. 

Pour ces raisons, chaque cas devra être analysé selon ses particularités, afin de déterminer si la crainte d’un danger était raisonnable et qu’il n’y a rien qui empêche l’exercice d’un droit de refus. Toutefois, il est possible que ces dispositions soient applicables en raison de la COVID-19.

Quant à la possibilité de se voir indemniser par la CNESST pour la COVID-19 à titre de lésion professionnelle, il nous semble que l’élément déterminant sera la preuve que la maladie a été contractée sur les lieux ou à l’occasion du travail. Cela risque de poser un défi, surtout si la maladie continue de se répandre de manière aussi exponentielle et que ce fait, elle peut facilement être contractée à l’extérieur du milieu de travail.

2. Conclusions

La prudence est de mise dans le contexte actuel. De plus, ce qui est recommandé ou exigé par le gouvernement évolue rapidement. Nous vous invitons à vous tenir informés des mesures actuelles qui sont mises de l’avant par les deux paliers de gouvernement afin de bien conseiller les travailleuses et les travailleurs qui se poseraient des questions quant à leurs droits et obligations. Il est important de s’adapter rapidement puisqu’une mesure adéquate aujourd’hui pourrait ne plus l’être demain. Le présent document vise à fournir un aperçu général des droits et obligations en cause relativement à diverses questions soulevées en relation avec l’épidémie de COVID-19. Il ne constitue pas une opinion applicable à un cas particulier, pour lequel il importe de prendre en considération tous les faits et circonstances applicables. Nous demeurons disponibles pour répondre à toute question qui pourrait se poser à cet égard.

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